TEMOIGNAGE. « Sans ma famille d’accueil, je n’aurais pas pu m’intégrer »

Article paru dans le Ouest France le 01/10/2023 et écrit par Véronique CONSTANCE

Boubacar assis devant le bel arbre de la place au Lin, dans le vieux Saint-Brieuc. Ce soir-là, au bar Auprès de mon arbre, il assiste au café qu’organisait la Cajma 22. | OUEST-FRANCE

Grâce au Collectif d’aide aux jeunes migrants et à leurs accompagnants des Côtes-d’Armor (Cajma 22), Boubacar, jeune Malien de 21 ans, a séjourné quatre ans dans une famille de Saint-Brieuc. Aujourd’hui, après l’obtention de son bac et d’un diplôme d’aide-soignant, il vient de décrocher un CDI.

Regard rieur, voix douce et posée… Boubacar Diakité, 21 ans, dégage quiétude et apaisement. Pourtant, la vie ne l’a pas épargné. Après une première rencontre en 2021, nous le retrouvons à Saint-Brieuc. D’abord au Bojangles, un café-librairie que cet amoureux de la littérature française affectionne tout particulièrement. Cet après-midi-là, il profite de la tranquillité du lieu pour poursuivre l’écriture de son histoire, son enfance, son périple pour arriver jusqu’en France.

Trois mois pour rejoindre la France

Boubacar quitte son pays à l’âge de 15 ans. Originaire de la région de Kayes, à 900 m de Bamako. « Une zone d’où partent beaucoup de Maliens. C’est un peu comme les Bretons qui ont migré dans le monde entier », dépeint-il. Son enfance ? Il la passe chez sa grand-mère qui le maltraite. « Je suis ce que l’on appelle un enfant né hors mariage. C’est très mal vu au Mali. J’ai eu très peu de contacts avec ma mère qui m’a abandonné pour se marier. »

En novembre 2017, il quitte son pays. Niger, Libye, Lampedusa, Sicile, Naples… Il mettra trois mois pour arriver en France. Il est d’abord accueilli à Laval, puis à Saint-Brieuc, où il est pris en charge par les services du Département dans un premier temps.

« Un grand appétit d’apprendre »

L’intégration n’est pas facile. « Quand vous êtes dans un pays étranger où la culture, la façon de vivre les codes sont différents, ce n’est pas facile de s’adapter. » D’abord logé à l’hôtel, il séjourne, grâce au Cajma 22 (1), chez une première famille, puis chez Annie Lucas et Roland Fichet, un couple de Saint-Brieuc. Après avoir obtenu son brevet des collèges avec mention bien (« j’avais mis le paquet », commentait Boubacar lors de notre première rencontre en 2021), il intègre le lycée Rosa-Parks, à Rostrenen. Le jeune Malien, « à la curiosité et au grand appétit d’apprendre », souligne sa famille d’accueil, obtient son bac « accompagnement soins et services à la personne » puis un diplôme d’aide-soignant. Durant ces années de formation, il suit des stages au service des urgences, à l’hôpital Yves-Le Foll, mais aussi dans des Ehpad. « Sensible à la vulnérabilité humaine », Boubacar collecte des témoignages auprès de résidents d’une maison de retraite. Cette matière donnera lieu à un slam mis en musique par la harpiste Annie Auffret.

« J’aimerais être libre de me déplacer »

Aujourd’hui Boubacar vole de ses propres ailes. Après quatre années passées chez Annie Lucas et Roland Fichet, il vit dans un petit appartement géré par l’association Sillages et vient de décrocher un CDI comme aide-soignant auprès de personnes en situation de handicap. Boubacar mesure le chemin parcouru depuis son arrivée en France. « Mais je reste toujours un peu fragile, reconnaît-il. Et le manque de mon pays se fait toujours sentir. Je suis un peu fatigué de me battre sans cesse pour les problèmes de papiers qui restent toujours compliqués à démêler à cause de cette carte Nina, une sorte de papier d’identité malien, murmure Boubacar, dont le statut actuel est « salarié temporaire ». J’aimerais pouvoir me poser, être un être humain libre de se déplacer, tout simplement. »

Revenir au Mali comme infirmier

Au fil de ses années en Côtes-d’Armor, le jeune Malien a tissé des liens d’amitié, donne de son temps aux jeunes migrants pour les démarches administratives et continue de coucher sur le papier son histoire. Un travail au long cours qu’il fait relire à sa famille d’accueil qu’il continue de voir régulièrement. « Je suis la preuve vivante que sans cet entourage-là je n’aurai certainement pas pu m’intégrer. J’ai eu tout ce qu’il faut pour bien pousser. Comme une plante. Annie et Roland ont été en quelque sorte mes tuteurs. Certains de mes camarades de route n’ont pas eu cette chance-là. »

Boubacar a un vœu qui lui est cher: revenir au Mali comme infirmier. Raison pour laquelle il aimerait  poursuivre ses études. « Je serai plus utile dans mon pays et je pourrais peut-être changer des choses à mon niveau. »

(1) Le collectif d’aide aux jeunes migrants et à leurs accompagnants a été créé en 2017. Boubacar a séjourné 4 ans chez Annie Lucas et Roland Fichet grâce à cette structure qui cherche de nouvelles familles.

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