Au Val-André, loin de son Congo natal, Kévin s’est relevé

Article Le Télégramme de Benoît TREHOREL

Kévin, ici entouré de Gaëlle et Christian, le couple qui l’accueille au Val-André (22) depuis février 2021 (Photo Benoît Tréhorel)

Arrivé en France à l’été 2020, après avoir fui seul son pays à l’âge de 15 ans, Kévin a été pris en charge par le collectif costarmoricain qui vient en aide aux migrants mineurs. Auprès de sa famille d’accueil, à Pléneuf-Val-André (22), le jeune Congolais a retrouvé de l’apaisement et de l’envie. Il voit désormais son avenir avec gourmandise.

Il arrive parfois que des paroles glacent. Et que la rencontre réchauffe après coup. Kévin en a fait l’inoubliable expérience en février 2021. En ce jour d’interminable hiver, entre les murs quelconques de sa chambre d’internat au lycée Freyssinet, à Saint-Brieuc (22), le jeune Congolais de 15 ans reçoit un appel sur son portable. C’est Françoise Valy, la coprésidente du Collectif d’aide aux jeunes migrants et à leurs accompagnants (Cajma) des Côtes-d’Armor, basé à Langueux. Elle vient lui annoncer une bonne nouvelle. Du moins, jusqu’à un certain moment de son propos.

Kévin rembobine : « Elle me dit qu’elle a trouvé une nouvelle famille d’accueil pour moi. Que le monsieur est un ancien militaire et qu’il a un chien. Je me suis dit que ça devait être une famille très stricte. En plus, j’aime pas trop les chiens ». Les présentations se font quelques jours plus tard, sur la grande plage du Val-André. Une poignée d’heures face à la mer suffit. À l’image des traces sur l’estran à marée montante, l’a priori de Kévin s’efface. « Je me suis rendu compte que c’était tout le contraire de ce que j’avais pensé. »

D’un côté l’envie, de l’autre le besoin

Lors des week-ends et des vacances scolaires, le lycéen en section Travaux publics, timide et introverti, découvre alors un tout autre environnement, une tout autre attention à son égard. À 400 m du rivage, dans un doux cocon qu’ont aménagé avec soin Gaëlle et Christian, il se relève et se révèle. Petit à petit. L’expérience compliquée avec les deux précédentes familles d’accueil est oubliée. Le traumatisme d’une fuite, en solitaire, de son cher pays natal est toujours là. Mais le ciel de Kévin s’éclaircit. Peu à peu.

Installé au Val-André (22) depuis février 2021, Kévin est originaire de République démocratique du Congo (Le Télégramme/Benoît Tréhorel)

Son histoire est à présent intimement liée à celle de ce couple de retraités originaires de Brest, installés à demeure dans la station balnéaire depuis six ans. Tout les opposait. Un rien les a unis. « Avec Christian, on s’était dit que lorsqu’on se poserait quelque part et qu’on serait disponible, on accueillerait une personne sans papiers pour l’aider à s’insérer plus facilement. Et c’est en cherchant sur Internet que je suis tombée sur Cajma », retrace Gaëlle.

Plusieurs expériences de vie à l’étranger. Les rapports tendus entre Mexicains et Californiens. Les bateaux qui tournent en Méditerranée. Une révolte intérieure qui monte, qui monte. Et la lecture de ce livre, « Entre deux mondes », dans lequel Olivier Norek peint un récit poignant dans la jungle de Calais, qui précipite l’élan humaniste de ces parents, délestés de leurs quatre enfants devenus indépendants. Le fonctionnement de Cajma 22, à la fois structuré et conciliant, leur plaît. Ils se sentent prêts à ouvrir gracieusement leur maison et leur quotidien à un migrant mineur isolé. Ce sera Kévin, venu de RDC.

Nager, pédaler, jouer et prier

Un ado d’Afrique centrale au passé singulièrement tourmenté. Un ado qui ne connaît presque rien de la France, hormis le Stade Rennais FC, pour lequel son idole, l’attaquant Firmin Mubele, a joué en 2017-2018. Un ado qui a dormi dehors à maintes reprises, qui n’a jamais pris les transports en commun, qui ne sait ni nager, ni tenir sur un vélo.

À leur contact et à son rythme, Kévin a, depuis, tout appris, tout dévoré. Il est devenu. Devenu un amateur de cinéma et un comédien prometteur sur les planches. Devenu un pratiquant assidu qui se rend seul aux cérémonies religieuses deux fois par mois à Rennes, en bus-train-métro. Devenu le représentant des jeunes au conseil d’administration de Cajma. Devenu l’auteur de cette déclaration d’amour : « La Bretagne, pour moi, c’est mon autre Congo ».

Élève en terminale bac pro Travaux publics au lycée Freyssinet, à Saint-Brieuc, Kévin envisage de faire un BTS en alternance l’année prochaine (Le Télégramme/Benoît Tréhorel)

Un lien unique et indélébile

Grâce à ceux qu’ils considèrent désormais comme « plus que des proches », grâce aussi à Claire et Jean-Michel, son autre famille d’accueil (une disposition propre au Cajma 22), Kévin réussit à panser son passé et penser son avenir. Il se verrait bien poursuivre en BTS l’an prochain, toujours à Freyssinet. Puis travailler, pourquoi pas, dans l’entreprise qui lui aura permis d’être alternant.

Le 30 novembre, il a soufflé ses 18 bougies. Juridiquement, tout a changé. Concrètement, tout peut basculer. L’adulte majeur a dorénavant en main certaines clés de son destin. « Tu vas quand même pas nous laisser tomber ? », raille Christian, taquin. Ce n’est pas le « Ah nonnnn ! » immédiat de son vis-à-vis que l’on retiendra. Mais plutôt cette intense complicité qui aura transpiré des tendres sourires échangés.

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